DJ Mehdi : Made in France …..du Hiphop a l lectro

« DJ Mehdi : Made in France » retrace en six épisodes la vie et l’œuvre d’un compositeur qui a marqué deux styles musicaux, le rap et l’électro, malgré une disparition prématurée.

C’est l’histoire d’un jeune de banlieue qui s’est retrouvé à mixer à Ibiza avec les plus grands, un passionné de musique qui a su transformer deux genres à priori opposés. C’est ce que raconte brillamment la série documentaire « DJ Mehdi : Made in France », réalisée par Thibaut de Longeville.

Décédé à 34 ans en 2011 lors d’un accident domestique, DJ Mehdi reste encore trop méconnu du grand public, malgré son influence sur la scène musicale des années 1990 et 2000. Ce documentaire, diffusé en six épisodes sur le site d’Arte, corrige cette injustice.

IDEAL J ET MAFIA K’1 FRY
Tout commence en 1992, quand Mehdi fait la connaissance d’Alix, futur Kery James. À l’époque, ils ont respectivement 15 et 14 ans. Rien ne semblait les destiner à se lier d’amitié : Mehdi, originaire de Colombes, est un passionné de musique qui compose avec un sampler qu’il a fabriqué lui-même. Kery James, lui, fréquente la rue et rappe à la MJC d’Orly (Val-de-Marne), où il forme avec des amis le groupe Ideal Junior. Leur rencontre se fait par l’intermédiaire de Manu Key, rappeur d’Orly et aîné des deux jeunes artistes, qui a pris Kery sous son aile.

Aux côtés de Kery James, Mehdi devient l’un des piliers d’Ideal Junior. Il produit le EP La Vie est brutale, qui sort l’année de leur rencontre sous le label Happy Music. Pourtant, aucune radio ne souhaite diffuser les morceaux aux paroles jugées trop crues. Malgré cela, les adolescents refusent de faire des compromis, au grand désarroi de leur maison de disques qui freine leurs projets. Après plusieurs années de difficultés, Ideal Junior, devenu Ideal J, sort deux albums, O’riginal MC’s sur une mission (1996) et Le combat continue (1998), considéré aujourd’hui comme un classique du rap français.

Dans les années 1990, Ideal J et Manu Key forment, avec des amis d’Orly, de Choisy-le-Roi et de Vitry-sur-Seine, la Mafia K’1 Fry, un collectif qui regroupe une quinzaine de membres, dont Rohff, 113 ou encore Intouchables. Dans la chanson « Thug Life », Kery James explique : « Qui n’a pas dealé dans l’équipe à part les bagarreurs, agresseurs et les braqueurs de banque ? (…) Les voyous étaient avec et parmi nous. » Dans ce milieu, DJ Mehdi, surnommé le geek, détonne. « Il était lui-même. Nous, on était coincés par les codes de la cité, on devait jouer les durs », raconte Kery James avec admiration et nostalgie dans le documentaire. Pourtant, c’est au sein de ce groupe qu’il s’épanouit.

Durant quelques années, les projets affluent. La Mafia K’1 Fry inonde les bacs, toujours avec DJ Mehdi comme architecte sonore. Dans un rap français formaté, dominé par le tempo à 90 BPM, Mehdi accélère les rythmes et introduit des sonorités nouvelles, venant de l’électro ou du raï. « C’est presque plus du rap », s’amuse Rim’K du 113 à propos d’une de leurs instrumentales. Le beatmaker atteint son apogée avec l’album Les Princes de la ville, sorti en 1999. Ce disque se vend à 350 000 exemplaires et permet au groupe 113 de décrocher deux Victoires de la musique. Les quatre premiers épisodes du documentaire relatent cette histoire musicale et humaine marquée par des événements forts, tels que l’assassinat de Las Montana.

UNE FIGURE DE LA FRENCH TOUCH
Les deux derniers épisodes du documentaire se concentrent sur la seconde partie de la carrière de DJ Mehdi. Curieux et touche-à-tout, l’artiste ne se limite pas au rap. Ses influences incluent Bob Dylan, les Beatles ou Led Zeppelin. À la fin des années 1990, il s’intéresse de plus en plus à la musique électro, en particulier à la house de Chicago. Lassé du son « caillera », il délaisse peu à peu le rap au milieu des années 2000.

DJ Mehdi devient une figure de la French touch, premier mouvement musical français à s’exporter internationalement, notamment grâce à Cassius, Daft Punk, David Guetta et Laurent Garnier, qu’il rencontre en travaillant avec MC Solaar. Cette nouvelle direction artistique étonne son entourage, notamment les membres de la Mafia K’1 Fry. À l’époque, le rap et l’électro appartiennent à des univers distincts : d’un côté les quartiers populaires, de l’autre un public plus bourgeois et cosmopolite.

« La French touch, c’est quoi ? (…) C’est des Blancs aux cheveux longs avec des looks improbables. (…) Ce n’était pas une musique de chez nous », commente Myriam Essadi, la cousine de Mehdi. Pourtant, DJ Mehdi parvient à construire des ponts entre ces deux mondes, organisant même une collaboration entre Thomas Bangalter de Daft Punk et le 113. En 2003, alors que la French touch commence à décliner, Mehdi aide Pedro Winter à fonder Ed Banger Records, qui produira des artistes comme Cassius, Justice et Mr. Flash. Ce label redynamisera la scène électro.

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